Violence à port au Prince : l'incident que Washington ne veut pas commenter
Jeudi soir, au cœur d’un Port-au-Prince crépusculaire où l’air lui-même semble vibrer sous la tension, des Marines américains ont échangé des tirs avec des hommes soupçonnés d’appartenir à des groupes armés. En première ligne du dispositif de sécurité de l’ambassade, ils ont essuyé les premières salves avant de riposter avec sang-froid. « Aucun blessé », a déclaré samedi le porte-parole du Corps des Marines, Steven Keenan, au Washington Post, une précision qui, dans la capitale haïtienne, tient presque du miracle. Selon plusieurs responsables américains, cet affrontement, jusque-là passé sous silence, constitue l’attaque la plus grave visant du personnel des États-Unis depuis le début de l’année. Et pourtant, silence radio du Département d’État, de l’ambassade à Port-au-Prince et du Commandement sud : aucune explication, aucune confirmation, aucun commentaire. Comme si, autour de cet échange de feu, s’était installée une strate supplémentaire d’opacité, presque une zone interdite.
Cet incident survient alors que le pays vit l’une des plus vertigineuses crises sécuritaires de son histoire contemporaine. Depuis l’assassinat de Jovenel Moïse en 2021, Haïti navigue sans capitaine élu, guidé par un Conseil présidentiel de transition dont les marges d’action semblent chaque jour davantage rognées par la violence. Les Nations Unies estiment désormais que près de 85 % de Port-au-Prince est sous contrôle de gangs armés : un archipel de territoires disputés où les résidents, les humanitaires et les diplomates évoluent sous la menace constante. Facce à ce gouffre sécuritaire, le Pentagone avait déjà pris les devants, renforçant la sécurité du complexe diplomatique l’an dernier.
En août, un nouveau contingent de Marines a été déployé, chargé de verrouiller le périmètre et d’assurer la rotation du personnel dans un environnement devenu imprévisible. Aujourd’hui, l’ambassade ne fonctionne plus qu’au ralenti, ouverte uniquement pour les urgences, comme un phare dont la lumière ne vacille qu’à peine dans la tempête.
Le Département d’État, qui avait évacué son personnel non essentiel dès 2023, continue de mettre en garde les citoyens américains : éviter Haïti à tout prix. L’état d’urgence décrété en mars 2024 et la montée inexorable des violences, vols à main armée, carjackings, agressions, enlèvements confirment chaque jour un peu plus l’impression d’une capitale assiégée, prise en étau entre peur, survie et résistance.

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